La protection n’élimine pas le risque
Pour certains accidents graves impliquant des cyclistes, le casque, de qualité et correctement réglé, peut indéniablement limiter la gravité des lésions. En ce sens, il est utile et nous encourageons les cyclistes du quotidien à le porter. En revanche, il n’a aucune incidence sur les causes du danger. En jargon de la sécurité, il s’agit d’une équipement de protection individuel (EPI). Et la règle d’or en matière de prévention, c’est de faire appel aux EPI en dernier recours, après s’être attaqué aux causes du risque, comme le montre ce diagramme hiérarchique communément utilisé dans la sécurité du travail:
Alors, de la part du législateur, obliger le port du casque alors que les mesures de prévention les plus efficaces et les plus élémentaires ne sont toujours pas mises en œuvre, c’est tout simplement un aveux d’échec.
Le principal danger venant de la circulation des véhicules motorisés, c’est sur elle qu’il faut agir prioritairement, en séparant, quand on le peut, les flux vélo et automobile, et, au minimum, en limitant la vitesse.
Une obligation contre-productive
Mais si le port du casque présente un intérêt pour la sécurité, pourquoi naïvement ne pas le rendre obligatoire? La réponse est contre-intuitive et mérite qu’on s’y attarde…
La conséquence constatée de l’obligation du casque est une baisse de la pratique au quotidien, car elle est vécue comme une contrainte par certains utilisateurs. Or, à vélo, c’est le nombre qui crée la sécurité. On constate effectivement que, plus la pratique du vélo est développée dans une ville, plus le nombre d’accidents diminue en proportion du nombre d’utilisateurs. Les usagers cyclistes, plus nombreux, sont en effet mieux vus et mieux respectés.
A titre d’exemple, les Pays Bas ont une pratique très développée du vélo et le port du casque y est très rare. C’est paradoxalement un des pays où il y a le moins d’accidents graves proportionnellement au nombre d’utilisateurs. En revanche, des pays comme le Canada, qui l’ont rendu obligatoire, ont vu la pratique du vélo baisser et le taux d’accidents par utilisateur augmenter. Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue qu’un cycliste en moins c’est généralement une voiture en plus en circulation, et donc une augmentation du danger potentiel pour les autres usagers.
Alors, si le casque protège, son obligation, elle, augmente le danger! Ça peut paraître paradoxal, mais c’est avéré. Et, casque ou pas, il est important de rappeler que les gains en terme de santé apportés par l’utilisation quotidienne du vélo sont très largement supérieurs au risque d’accident. En résumé, ce qui est dangereux, c’est de ne pas faire de vélo!
Décourager la pratique en stigmatisant et contraignant l’usager n’est donc pas une bonne solution. C’est faire porter la responsabilité du risque uniquement sur le comportement individuel du cycliste, et c’est une façon de masquer le manque d’ambition des politiques publiques en faveur des mobilités alternatives.
Alors OUI au casque, mais NON à son obligation!
Pour approfondir le sujet, voir le très bon dossier de la FUB et le récent article de Reporterre en réponse à une proposition de loi visant à rendre le port du casque obligatoire, et finalement rejetée.