la mort d’une oie blanche

(Je publie cet article dans la catégorie : tribune libre, espace d’expression laissé aux adhérents qui y expriment des opinions sujettes à débat)

La mairie de Limoges a publié l’an passé et distribué à qui voulait, un magnifique plan de Limoges Cyclable. Ce plan annonçait fièrement 40 kms de voies cyclables et bientôt … 80 !

Ah, si c’était vrai ! Si ce plan correspondait vraiment à une circulation facilitée et sécurisée pour nos bécanes.

Malheureusement, il faut bien se mettre dans la tête que madame Biardeaud, vice-présidente de Limoges métropole et adjointe au maire chargée de l’agenda 21 et donc des vélos, n’est motivée que par la communication. Cette dame qui, de toute façon, n’a aucun pouvoir décisionnaire, parle à qui veut l’entendre de son rêve : voir fleurir partout à Limoges des vélos montés par tout un chacun : jeunes gens sportifs mais aussi mères de famille, enfants, vieilles dames, vieux messieurs …

Elle ne manque pas de rajouter qu’elle, personnellement, ne fait jamais de vélo ce qui ajoute encore au mérite de son action. Je me souviens de cette envolée il y a trois ans dans une réunion de l’agenda 21 : j’avais été emballée, me disant, in petto, qu’avec une pareille alliée, les voies cyclables allaient bientôt pulluler dans toute la ville et, partant, les vélos, d’après la loi vérifiée selon laquelle l’offre appelle l’usage. J’y ai cru et me suis appuyée mon lot de réunions insipides dans l’espoir de voir peu à peu les promesses verbales, ou parfois écrites, devenir réalité. J’étais alors une oie blanche, toute fraîche débarquée à Limoges, ravie de me retrouver en terre de gauche donc en terre soucieuse d’écologie et de réduction de la circulation automobile. Assimiler la gauche traditionnelle à l’écologie est absurde, je le sais à présent et j’ai un peu honte d’avoir pu être aussi naïve. Comme quoi, même passé quarante ans, rien de tel que d’aller jouer un peu sur le terrain des politiques, pour grandir.

Pour oser promettre par écrit et ne pas tenir, il faut vraiment être sûr de soi et de son ancrage. Je sais cela à présent et aussi que les promesses même écrites n’engagent que les crétines dans mon genre qui pensent y voir l’aboutissement de leurs efforts. Les paroles s’envolent, les écrits aussi, qu’on se le dise ! C’est le cas en tout cas, quand on a affaire à une municipalité solidement établie et fermement décidée à n’accepter qu’au compte-goutte les suggestions venant d’ailleurs que de son propre microcosme, vivier, cercle …ou Dieu sait comment appeler cette équipe qui nous gouverne ici.

Le pire c’est que dans de nombreux domaines, monsieur Rodet et ces adjoints font du bon travail. Nouvelle venue à Limoges je l’ai souvent entendu d’authentiques Limougeauds enchantés des nombreuses améliorations apportées à leur ville depuis plusieurs décennies. Je m’en réjouis, bien sûr, car je profite avec plaisir de tous les aspects agréables de notre ville. Je suis seulement désolée que l’ouverture de la ville aux vélos ne fassent pas partie des préoccupations de notre maire. Si c’était le cas, et au regard de son efficacité sur d’autres dossiers, il y a beau temps que Limoges aurait son réseau cyclable, sécurisé et pensé intelligemment, c’est-à-dire selon la logique cycliste qui n’a rien à voir avec la logique automobile.

Le cycliste va au plus court et au moins pentu : il a donc besoin de circuits ne tenant aucun compte d’interdictions qui ne devraient en aucun cas le concerner puisqu’il est un véhicule lent, léger, très peu dangereux pour autrui, pas du tout pour les conducteurs bien protégés par leur tonne d’acier et dans tous les cas bien plus proche du piéton que de l’automobile. Il doit être autorisé à ignorer certains feux, et nombre de sens interdits. Il doit pouvoir, quand il est sur les grands axes, se sentir en sécurité sur des pistes suffisamment larges et protégés des voitures par des plots et avoir accès, à tous les gros carrefours, à des sas lui permettant d’attendre le feu vert bien visible devant les voitures et non à côté d’elles. Si on ne lui met pas cela en place, le cycliste biaise et commet infraction sur infraction : il monte sur les trottoirs, prend les sens interdits, se faufile en se mettant en danger, bref, devient casse cou et casse pied car imprévisible. Alors, il se met à avoir mauvaise réputation, comme je m’en suis rendu compte à certaines réunions du comité consultatif de circulation auxquelles j’ai assisté et où, l’assemblée, composée essentiellement de vieux messieurs très attachés à leurs autos, reprochaient vivement aux cyclistes limougeauds leur inconscience … cette inconscience due en fait à l’absence d’une logique de circulation spécial vélo. Si cette logique existait et était indiquée par des panneaux et marquages au sol adéquats, elle serait vite assimilée par les voitures et leur éviterait la mauvaise surprise de se retrouver nez à nez avec un vélo imprévu.

Ah ! Si monsieur Rodet avait pris conscience de cela, outre de son devoir en faveur de l’environnement ! Las ! Il n’en a cure. Pis ! Il est convaincu que la pratique du vélo ne pourra jamais se développer dans son fief et que par conséquent, il n’a pas à s’en soucier. Du coup, Limoges ne met en place que ce qui est rendu obligatoire par les lois nationales ou européennes comme l’adoption du code de la rue devenu obligatoire en 2010. Dieu merci, à Paris et Bruxelles, on se soucie du vélo. Du coup, Limoges est bien obligée de faire quelque chose. Mais hélas, la ville se contente à chaque fois du minimum. Et tant pis si, du coup, Le Limousin se voit taxé une fois de plus de ringardise. Pas grave, on a l’habitude !

Grâce au code de la rue, nous avons vu, en juillet, naître quelques contre sens cyclables rendus obligatoires dans les zones 30 (espaces piétonniers ou ralentis). Et j’en suis ravie car je me rends à présent facilement place de la République, en évitant des détours logiques pour des autos mais aberrants pour des vélos, sans risquer désormais de PV. (oui, je prenais auparavant ces mêmes itinéraires désormais autorisés et risquais à chaque fois de payer le prix fort en cas de rencontre malencontreuse avec un de ces policiers zélés qui, à Limoges, s’acharnent sur les vélos beaucoup plus que sur les autos stationnées n’importe où, même et y compris sur les rares voies cyclables).

Je ne me fais aucune illusion : avec ou sans véli-vélo, ces contre-sens auraient vu le jour. Nos suggestions, les dossiers archi-documentés que l’association a réalisés à la demande de madame Biardeaud, et qui ont demandé à David, Jérome, Thierry et d’autres, un énorme boulot, n’ont rien changé. En fin de compte, la mairie ne fait jamais rien de plus que ce qu’elle a déjà décidé de faire.

C’est ce que je me suis permis de dire, lors de l’AG du 21 janvier. Toutes ces réunions auxquelles véli-vélo est conviée sont l’alibi qui permet à la municipalité de mettre en avant son souci du dialogue. En fait, à l’arrivée, nous n’obtenons strictement rien de plus que ce qui a déjà été décidé. Or, comme ce qui a été décidé en haut lieu est de ne laisser aux vélos qu’une place marginale, n’entravant en aucune façon la circulation ni le stationnement des automobiles, il faut se rendre à l’évidence : le vélo ne pourra rester que marginal à Limoges et ne concerner que des adultes mûrs, en bonne santé physique et très majoritairement de sexe masculin. Nous ne risquons pas de voir naître ce Limoges dont rêvait soi-disant madame Biardeaud. Nous ne risquons pas de voir les enfants arriver à l’école à vélo avec des mamans ou des papas ravis d’éviter ainsi de prendre leurs automobiles, ni les vieilles dames s’en aller guillerettes faire leurs courses, rassurées par l’existence de couloirs cyclables sécurisés.

Je me fais des idées, je suis devenue une vieille cycliste amère, aigrie et désabusée ? Limoges, mine de rien est en train de devenir le paradis des vélos ?

S’il faut un preuve pour illustrer ce que j’avance, j’en ai une énorme. Il s’agit des importants travaux en cours rue Ernest Ruben, dont je vais toucher un mot dans un autre article. Je dirai juste ici que cette rue qui sur le plan cyclable cité plus haut, figure comme un axe important de la circulation cycliste est en train d’être entièrement refaite de la pire des façons, en ce qui nous concerne.

Je termine ici mon jet de bile et vous souhaite malgré tout à tous d’agréables pérégrinations sur deux roues.

Marie Wilhelm-Labat, ex-présidente de véli-vélo, et future victime d’un ulcère.

5 réflexions sur « la mort d’une oie blanche »

  1. Merci pour cet article très bien argumenté qui résume assez bien mon point de vue sur la situation.
    J’ai 31 ans, suis maman de deux enfants de 3 et 5 ans.
    Ex- cycliste invétérée (je n’ai pas le permis de conduire, et par le passé lorsque j’habitais en ville, je ne circulais qu’à vélo…malgré les risques, et les incidents, dieu sait s’il y en a eu d’ailleurs)
    En vieillissant, et en devenant maman, le vélo a pris sa place au garage, car enceinte il n’était plus question de prendre encore des risques. Encore moins avec un porte-bébé. J’habite maintenant à Beaubreuil, et malgré les nombreux espaces piétons qui s’y trouve, rouler à vélo est toujours risqué, chaque « espace » étant cerné, ou délimité par des grands axes. De surcroît, sortir du quartier reste encore périlleux a vélo pour un adulte, et complètement inenvisageable avec de jeunes enfants…alors, on se contente, le dimanche, de charger les vélos dans le coffre pour aller pédaler en lieu sûr…ce qui, je le reconnais, ressemble bien au comble de l’absurde.

    1. Bonjour Céline ! Je compatis et je comprends. Quand mes enfants étaient petits, j’ai connu les mêmes déboires, devenant à mon corps défendant, la complice de la forfaiture automobile. Il n’y rien de plus frustrant que d’être contraint, à cause du choix du tout voiture qui est un choix politique, à rejoindre le troupeau des conducteurs, surtout quand on a pris conscience des dégâts écologiques qui en résultent. C’est encore plus frustrant quand on a goûté aux plaisirs de la marche et du vélo et qu’on n’a aucun plaisir à s’enfermer dans ces coquilles de fer.
      Courage ! Les enfants grandissent. Les miens font désormais tout à vélo, à pied ou en train et en retirent une grande satisfaction. Je ne souhaite pas, cependant que tu en arrives là : à devoir attendre des années pour pouvoir à nouveau te sentir en conformité avec la façon de vivre qui te convient. J’ai bon espoir : partout on prend conscience de l’importance qu’il y a à faire reculer la voiture pour la cantonner uniquement aux usages indispensables. Limoges finira bien par céder !!

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