8 recommandations pour réussir votre piste cyclable

Dossier proposé par le cerema

24 février 2021

Un réseau continu et maillé de pistes cyclables efficaces est une des composantes essentielles d’un territoire cyclable. Les pistes cyclables sont situées majoritairement le long des axes principaux du réseau viaire où une mixité des modes n’est généralement pas recommandée. Elles contribuent au développement de la pratique du vélo à condition de garantir un haut niveau de service à tous les usagers. Cet article présente quelques règles fondamentales de conception des pistes cyclables.

La France ambitionne une forte croissance de la part modale vélo. Ceci ne peut se réaliser que si les aménagements cyclables proposés s’adaptent pour accueillir les nouveaux cyclistes, qu’il s’agisse d’enfants à vélo, de  familles avec des remorques, ou d’utilisateurs de vélo cargo.

Cette ambition suppose de réinterroger l’offre quantitative mais également qualitative des pistes cyclables. En effet, les situations où des cyclistes circulent sur la chaussée alors qu’une piste cyclable peu attractive existe en parallèle sont encore trop nombreuses. D’une part, ces dysfonctionnements engagent la crédibilité du maître d’ouvrage, car les investissements publics peuvent être perçus comme inefficaces. D’autre part, les relations entre les cyclistes et les autres usagers peuvent s’en trouver dégradées : le cycliste donne l’impression de ne pas circuler là où il le devrait.

Afin de garantir leur efficacité, leur confort et leur attractivité, les pistes cyclables doivent répondre à des principes rigoureux de conception. Voici 8 recommandations fondamentales pour réussir votre piste cyclable.

1. Equiper les axes de transit au sein d’un réseau hiérarchisé

La piste cyclable est une chaussée exclusivement réservée aux cycles à deux ou trois roues et aux engins de déplacement personnel motorisés. Elle est séparée de la chaussée générale et du trottoir par un élément physique, ce qui en fait un aménagement particulièrement plébiscité par les usagers stressés par la proximité avec le trafic motorisé.

La hiérarchisation du réseau permet d’identifier les axes de transit motorisé nécessitant des aménagements cyclables. Le reste du réseau est constitué des voies de desserte limitées à 30 km/h ou moins, faiblement circulées, nécessitant rarement des aménagements séparatifs.

Le long des voies limitées 30 km/h ou moins, la piste cyclable est souvent pertinente si on souhaite maintenir un trafic motorisé supérieur à 4000 véhicules par jour.

Le long des voies limitées à 50 km/h ou plus, des aménagements séparatifs sont à privilégier. La piste sera généralement préférée à la bande cyclable dès que le trafic motorisé devient significatif (> 6000 véh/jour).

Retrouvez les différents types d’aménagements cyclables et leur domaine d’emploi.

 

  1. Fixer des largeurs répondant aux exigences de capacité et de confort

Il est essentiel de proposer des infrastructures dont la capacité est cohérente avec les ambitions de part modale du territoire concerné.

Les largeurs des pistes cyclables doivent rendre possible :

  • le dépassement des cycles, dont les cycles à gros gabarit (vélos cargos, vélos avec remorque, etc.),
  • la circulation à deux de front pour générer une convivialité et rendre possible l’accompagnement des enfants,
  • l’écoulement du trafic en section courante et l’éventuel stockage des vélos aux intersections.

C’est pourquoi la largeur souhaitable d’une piste cyclable unidirectionnelle est de 2,5 m (2 m minimum). La largeur souhaitable d’une piste bidirectionnelle est de 3,5 m (3m minimum). Si un flux cycliste très important est attendu, il est souhaitable de porter la largeur de piste cyclable bidirectionnelle à 4 m: cette largeur  rend possible de circuler à deux de front dans chaque sens. Dans les cas où le trafic cycliste attendu est très faible (quelques centaines de cyclistes par jour), notamment en milieu interurbain, il peut être envisagé d’abaisser la largeur à 2,5 m, à condition que l’accotement de la piste cyclable soit circulable et pardonne les écarts de trajectoires.

Piste cyclable bidirectionnelle de largeur 4 m

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Il est important de maximiser la largeur roulable d’une piste en assurant l’unité des matériaux et en maitrisant la hauteur des bordures coté piste. Un effet canyon réduisant la largeur utile d’une piste se forme dès que l’environnement de la piste se trouve à une différence de niveau supérieure à 5 cm (hauteur de la pédale en position basse).

Piste cyclable étroite aux bordures verticales hautes inconfortable pour les cyclistes

 

  1. Maintenir la continuité de la piste cyclable

Il est primordial d’assurer la continuité de la piste cyclable au droit des arrêts de transports collectifs, des passages piétons et des accès privés.

Aux abords des arrêts de transports collectifs et des passages piétons, les piétons et les cyclistes ont un cheminement clairement identifié, que ce soit en section courante ou en intersection. Cela évite les éventuels conflits et incompréhension réciproques qui surviennent souvent lorsque l’on propose un espace partagé, sans véritable statut.

Le même soin doit être apporté à la continuité de la piste au droit des accès privés. L’accès aux immeubles depuis la voie publique se fait en franchissant le trottoir et la piste cyclable à l’allure du pas, sur le principe du trottoir traversant (voir plus bas).

  1. Assurer une séparation efficace avec la chaussée générale

La piste cyclable est séparée de la chaussée générale par un élément physique dont la nature et les dimensions varient en fonction du contexte. Cette séparation améliore la sécurité ressentie des cyclistes, ce qui renforce l’attractivité du réseau cyclable.

Ce séparateur peut être sans autre fonction que celle d’empêcher physiquement la circulation, l’arrêt ou le stationnement motorisé sur la piste cyclable. Une bordure de 15 cm de haut par rapport à la chaussée générale et de largeur comprise entre 20 et 50 cm sera efficace dans la plupart des cas. Il est recommandé de chanfreiner cette bordure du côté de la piste. On veillera à ce que cette séparation soit clairement perceptible par tous les usagers et ne dégrade pas la sécurité des cyclistes

D’autres fonctions peuvent être affectées au dispositif de séparation entre la chaussée générale et la piste cyclable : signalisation verticale, mobilier urbain, végétalisation, arrêt de bus, stationnement motorisée longitudinal… Dans le cas du stationnement motorisé longitudinal, on s’assurera que le séparateur marque un espace tampon de 50 cm minimum pour limiter le risque d’emportiérage.

  1. Aménager une séparation avec le trottoir franche, lisible, qui pardonne

La piste cyclable peut être positionnée à hauteur de chaussée, à hauteur intermédiaire de trottoir ou à hauteur de trottoir.

Dans les deux premiers cas, une différence de niveau existe entre le trottoir et la piste. Cette différence assure un bon repérage des piétons (notamment malvoyants) et limite les conflits piétons cycles. Il est alors recommandé de chanfreiner cette bordure (avec une pente comprise en 25 et 50 %) afin qu’elle puisse pardonner des écarts de trajectoire et n’entraine pas de chute.

Si la piste est à hauteur de trottoir, une bordure émergente doublement chanfreinée peut être envisagée pour mieux délimiter les espaces.

En plus de séparation, un contraste visuel (entre revêtement de la piste cyclable et revêtement du trottoir) garantit une meilleure lisibilité de l’aménagement pour tous. Différence de contraste ne veut pas dire différence de confort de roulement ; il faudra veiller à maintenir le confort de circulation, pour les cyclistes comme pour les piétons

 

  1. Proposer des rayons de courbures qui optimisent les déplacements à vélo

Prêter une attention particulière aux rayons de courbure des infrastructures est essentiel, car ceux-ci ont un impact important sur les pratiques de circulation.

Pour les aménagements cyclables, notamment structurants, il est nécessaire de proposer des rayons de courbure importants, ne contraignant pas les cyclistes à ralentir pour aborder les girations. Car le rayon de courbure affecte la vitesse à laquelle un cycliste peut rouler : inférieur à 10 m, il oblige généralement les cyclistes à ralentir, voire à freiner. Plus l’aménageur veut garantir un niveau de service élevé, par exemple en permettant aux cyclistes de circuler à 20 km/h en section courante, plus le rayon de courbure devra être grand.

Pour les circulations motorisées qui croisent des itinéraires cyclables, des rayons de courbure faibles favorisant une maîtrise des vitesses des véhicules motorisés et une meilleure sécurité sont à privilégier. La mise en place d’un rayon de courbure très important, facilitant la giration des poids-lourds et des bus, générera aussi l’augmentation des vitesses d’autres usagers comme les véhicules légers et sera source de conflits avec les piétons et les cyclistes.

 

 

  1. Optimiser le franchissement des seuils

Un ressaut est inconfortable, jusqu’à constituer parfois un danger pour un cycliste, en particulier s’il faut l’aborder de biais : risque de chute, voilement de roues. Le problème se pose systématiquement lorsqu’il s’agit de raccorder une piste cyclable à hauteur de chaussée jusqu’au niveau du trottoir, et réciproquement.

On privilégiera le raccordement « à 0 » avec une continuité de matériau. Une autre solution consiste à associer deux éléments modulaires de type caniveau CS1 ou CS2 pour obtenir un franchissement de la jonction sans à-coup (schéma ci-dessous, d’après Adav).

 

8. Carrefours: appliquer 7 principes pour des franchissements confortables et sûrs

Les intersections sont des lieux où se concentrent les interactions et les conflits potentiels. Les objectifs suivants seront intégrés à  la conception des carrefours:

  1. Assurer la visibilité réciproque des usagers
  2. Réduire la vitesse des véhicules motorisés
  3. Rendre le fonctionnement du carrefour lisible 
  4. Maintenir la continuité des itinéraires cyclables
  5. Offrir des trajectoires les plus efficaces possibles
  6. Réduire le nombre et de la surface des zones d’interaction
  7. Choisir un régime de priorité adapté qui ne pénalise pas les cyclistes

Intersections avec voie non prioritaire à faible trafic: exemples

Trottoir-piste traversant

Le trottoir traversant est un prolongement du trottoir interrompant la chaussée d’une rue au niveau d’une intersection. Cette solution consiste à assurer la continuité de la piste cyclable en l’adossant à ce trottoir traversant.

Par comparaison avec le passage piétons, le trottoir traversant donne au piéton une vraie continuité de cheminement sans rupture de niveau. C’est le trottoir qui interrompt la chaussée, et impose physiquement aux usagers qui le franchissent de laisser la priorité aux piétons. La logique « routière » est ainsi inversée.

Cette solution garantit de la même manière au cycliste la priorité de la piste cyclable sans rupture de niveau et sans qu’il y ait besoin de signalisation particulière. Comme pour le trottoir, la hauteur la piste adjacente est maintenue dans le franchissement de la voie non prioritaire.

Quand la piste cyclable est à hauteur de chaussée, il est possible de la surélever pour la positionner à niveau de trottoir au droit de l’intersection, en prenant soin que cette surélévation soit progressive et ne constitue pas un ralentisseur pour cyclistes.

Plateau

La piste traverse le carrefour au niveau d’un plateau. De ce fait, la voiture qui accède ou sort de la voie secondaire est fortement ralentie, ce qui est en cohérence avec sa perte de priorité.

Franchissement à niveau de chaussée

Il s’agit ici d’assurer la continuité visuelle de l’itinéraire cyclable dans le carrefour avec un franchissement à niveau de chaussée de la voie non prioritaire.

Sa priorité est marquée par la signalisation du régime de priorité sur la voie secondaire. Il peut être utile d’expliciter la priorité donnée aux cyclistes circulant sur la piste cyclable par les articles R415-3 et R415-4 du code de la route vis-à-vis des véhicules tournants depuis la voie principale, et donc de marquer un cédez-le-passage.

Il est à noter que cette troisième solution est a priori moins performante en terme de réduction de la vitesse des véhicules motorisés en mouvement tournant.

Déviation de la piste cyclable au droit de l’intersection

Il peut être utile de rapprocher la piste cyclable du front bâti au droit du franchissement de la voie non prioritaire.

Une telle disposition permet en effet :

  • d’orthogonaliser les voies,
  • d’assurer une meilleure visibilité réciproque, c’est en effet sous un angle à 90° que l’on voit le mieux, à sa droite et à sa gauche, les autres usagers,
  • de réduire la vitesse des véhicules tournant à gauche ou à droite en « cassant » les girations trop grandes,
  • de créer un espace de stockage pour les véhicules motorisés quittant la voie principale d’environ 5 m si possible entre la chaussée (route principale) et la piste cyclable.

Pistes cyclables et carrefours à fort trafic : exemples

Carrefour à feux à ilots-amandes

Le fonctionnement de ce carrefour repose sur les principes suivants :

  • Le tourne à droite des cyclistes est physiquement isolé du trafic motorisé par l’îlot-amande
  • L’îlot-amande modère la vitesse des mouvements tournants des véhicules qui doivent céder le passage aux cyclistes
  • Un feu vélo avancé améliore la visibilité des cyclistes et offre un espace de stockage confortable tout en raccourcissant leur traversée
  • Le tourne à gauche des cyclistes s’effectue soit en un temps (utilisation du M12) soit en deux temps
  • Les cyclistes débouchant dans l’anneau doivent laisser la priorité aux cyclistes circulant sur l’anneau
  • Le dévoiement de la piste cyclable contribue à orthogonaliser les voies, et assure une meilleure visibilité réciproque : c’est en effet sous un angle à 90° que l’on voit le mieux, à sa droite et à sa gauche, les autres usagers.
  • Un espace de stockage d’environ 5 m si possible est créé entre la chaussée (route principale) et la piste cyclable, ce qui favorise l’écoulement des véhicules allant tout droit
  • Les traversées cyclables sont matérialisées à l’aide de figurines cyclistes et de doubles chevrons.

 

Giratoire à ilots intra-annulaires

Quand le volume de trafic justifie d’avoir équipé les branches d’un giratoire de pistes cyclables aux abords d’un giratoire, c’est qu’il est également nécessaire de maintenir la continuité de ces pistes pour franchir le carrefour.

Il est alors recommandé de créer un giratoire cyclable à ilots intra-annulaires, préférentiellement en réaffectant une partie de la chaussée annulaire à la piste cyclable et aux ilots.

Les principes de fonctionnement sont les suivants :

  • le giratoire est ceinturé par une piste cyclable unidirectionnelle ou bidirectionnelle prioritaire sur les flux motorisés,
  • les îlots à l’intérieur de l’anneau permettent le stockage d’un véhicule en cas de passage d’un cycliste. Ils favorisent également un apaisement des vitesses des trafics motorisés et une orthogonalité des trajectoires,
  • les rayons de girations pour les véhicules motorisés sont de 12 m en entrée de giratoire et de 15 mètres en sortie.

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