Aménagements provisoires en faveur des mobilités alternatives : préparer l’avenir au-delà des crispations

Les aménagements provisoires en faveur du bus, du vélo et des piétons, qui continuent de fleurir à Limoges, créent quelques crispations. Comment pouvait-il en être autrement dans une ville qui sort de plusieurs décennies de politique du tout-voiture ?

En effet, 80 % de l’espace public est alloué à l’automobile, que ce soit pour circuler ou stationner. On a créé des habitudes. On ne se pose pas la question du mode de transport, ça sera la voiture, et même pour de petits trajets.
On a pris l’habitude de couper par le centre-ville pour transiter d’un côté à l’autre de l’agglomération. Pourquoi faire autrement, puisque c’est plus rapide grâce à des doubles voies circulantes en cœur de ville ?
On s’est attribué « sa » place de parking, gratuite et en surface, et on râle lorsqu’il faut rentrer dans un parking souterrain.
On a négligé les autres modes de déplacement puisque tout va très bien en voiture.

Mais le monde change, et on ne peut plus ignorer les limites de ce modèle hérité des 30 glorieuses. L’environnement, la congestion, la santé, l’économie nous rattrapent…
Certaines villes l’ont compris plus vite que d’autres, comme Grenoble, Angers ou Caen, pour ne citer que les plus vertueuses de la catégorie de population comparable à Limoges. Leur transition n’a pas nui à leur attractivité, bien au contraire.
Alors, Limoges doit-elle rester sous sa cloche de verre ?

Certes les aménagements provisoires vont perturber temporairement la circulation, mais ils inciteront des automobilistes à se reporter vers d’autres modes de transport beaucoup moins consommateurs d’espace, comme le vélo, la trottinette ou le bus, qui sont également beaucoup moins coûteux et beaucoup plus respectueux de la santé et de l’environnement.
Certes quelques commerçants et riverains vont perdre le bénéfice de places de stationnement publiques au pied de leur immeuble, qu’ils ont souvent eu tendance à s’approprier. Mais ils ne doivent pas perdre de vue que les aménagements provisoires préfigurent le tracé du futur BHNS (bus à haut niveau de service) qui, tout en supprimant encore de nombreux stationnements, redynamisera les quartiers traversés. Car il n’est plus à démontrer que le tandem transport en commun performant et mobilités actives (marche, vélo) irrigue infiniment mieux l’activité commerciale que l’automobile.

La résistance au changement qui bouscule les habitudes est naturelle, même si, après coup, on ne souhaite généralement pas revenir en arrière. Qui souhaiterait que le parvis de la cathédrale redevienne un vaste parking ? Qui souhaiterait revoir circuler les voitures dans les rues piétonnes ? Qui rétablirait quatre places de stationnement au lieu d’une terrasse de café animée ? Qui regrette l’époque où se déplacer à vélo en ville relevait de l’excentricité ?

Si nous comprenons qu’un changement rapide puisse créer des crispations, nous regrettons en revanche que la défense d’intérêts particuliers ne trouve comme seul argument un mépris anti-cycliste primaire, amplifié par la caisse de résonance médiatique.
Pour répondre à ceux qui ne croient pas au vélo à Limoges et minimisent son usage, nous les invitons à se poser la question de ce qu’il adviendrait si les quelques milliers d’usagers abandonnaient leur vélo pour remettre leur voiture dans le trafic. Nous les invitons à se rendre dans un magasin de vélos pour constater que les rayons se vident. Nous les invitons à constater qu’il y a plusieurs mois d’attente pour obtenir un vélo en location auprès du service V’Lim, alors qu’un millier de vélos est déjà en circulation. Nous les invitons à constater que l’enveloppe budgétaire de Limoges Métropole, pour la prime à l’achat d’un vélo, a été épuisée en moins de deux mois. Nous les invitons à venir rencontrer les dizaines de personnes qui viennent réparer ou entretenir leur vélo, chaque mercredi et chaque samedi, dans nos ateliers associatifs du Sablard et de La Bastide. Nous les invitons, avant de formuler des avis à l’emporte-pièce, à essayer le vélo en ville et à se demander pourquoi ceux qui l’ont fait avant eux ne reviennent que très rarement en arrière.

Quant à la réaction de la FFMC 87, elle nous apparaît juste incohérente, la Fédération des Motards en Colère n’ayant aucune légitimité à s’exprimer au nom des cyclistes. Par ailleurs, elle ne justifie absolument pas la prétendue dangerosité des aménagements, alors qu’elle se permet de donner des leçons d’écologie et de sécurité. C’est le monde à l’envers… Nous pensons qu’il ne faut pas prêter trop d’attention à ce coup d’épée maladroit et désespéré.

Pour clarifier la position de l’association Véli-Vélo sur ces aménagements qui font débat, nous affirmons que :
Oui, nous soutenons pleinement la mise en place des aménagements provisoires, même si nous regrettons de ne pas avoir été consultés plus en amont. Ils sont une réelle bouffée d’oxygène pour des usagers jusqu’alors oubliés.
Non, ils ne sont pas parfaits, mais il ont un caractère expérimental et ont vocation à être améliorés. Nous avons d’ailleurs suggéré certaines modifications.
Oui, nous souhaitons qu’ils soient pérennisés au terme de la période d’expérimentation, moyennant quelques améliorations.
Oui, nous souhaitons que d’autres aménagements voient le jour pour améliorer le caractère cyclable de notre agglomération, et qu’enfin elle dispose, comme la plupart des grandes villes d’Europe, de liaisons radiales continues, protégées, incitatives et structurantes.

Nous pensons que cela sert l’intérêt général et que c’est un gage d’attractivité pour la ville de Limoges et son agglomération. Nous espérons que nos élus auront le courage politique de poursuivre dans cette voie tournée vers l’avenir, et qu’ils ne céderont pas aux sirènes réactionnaires.

Il ne tient qu’à nous tous de nous mobiliser pour un avenir meilleur!

Webographie pour lutter contre les idées reçues trop souvent ressassées :

– L’automobile dynamise-t-elle l’activité en ville ?
https://blogs.alternatives-economiques.fr/chassignet/2019/12/12/commerces-de-proximite-en-finir-avec-le-dogme-du-no-parking-no-business

– Qui sont les vrais alliés du commerce de proximité ?
https://www.fub.fr/sites/fub/files/fub/Commerces/depliant_velo_et_commerce_-_2013_bd.pdf

– Quels sont les véritables freins à l’usage du vélo ?
https://www.fub.fr/velo-ville/villes-qui-aiment-velo/velo-france-etat-lieux

– Quel est le mode de transport le plus efficace en ville ?
https://velivelo-limoges.org/le-popu-fait-du-velo-et-du-vae/

2 réflexions sur « Aménagements provisoires en faveur des mobilités alternatives : préparer l’avenir au-delà des crispations »

  1. Bonjour,
    globalement en accord avec le contenu de l’article, et bien sur il faut continuer à développer la possibilité des mobilités douces, respectueuses de l’environnement, et de la sécurité pour tous. Juste une remarque : il me parait nécessaire de travailler plus en amont d’une mise en place de nouveaux km de pistes avec les habitants, les citoyens, de la zone impactée. Ce n’est pas une perte de temps, c’est amener le changement nécessaire de nos habitudes de déplacements de manière plus douce, plus intégrée et plus collectivement acceptée, puis souhaitée. La démocratie participative est une circulation douce des idées et des changements sociaux possibles.

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